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La Marseillaise d’Argeliers : hymne de la révolte des vignerons de 1907

Découvrez l’histoire de la Marseillaise d’Argeliers, chant emblématique de la révolte des vignerons du Languedoc en 1907, entre crise du vin et colère paysanne.

11/27/20255 min read

Le contenu de mon article

La Marseillaise d’Argeliers : quand les vignerons du Midi réinventent l’hymne national

En 1907, au cœur du Languedoc viticole, une version détournée de la Marseillaise résonne dans les rues et les vignes : la Marseillaise d’Argeliers, chant de colère d’un Midi qui n’en peut plus de la misère et de la fraude. Derrière ces paroles enflammées se cache l’une des plus grandes révoltes paysannes de la France contemporaine, menée par des vignerons bien décidés à défendre leur droit de vivre de leur vin.​

Révolte des vignerons de 1907 : le contexte à connaître

Une crise viticole sans précédent

Au début du XXᵉ siècle, le Languedoc et le Roussillon produisent des quantités énormes de vin, souvent de consommation courante, destiné à tout le pays. Mais la surproduction, les vins de sucre « trafiqués » et l’effondrement des prix plongent des milliers de petits propriétaires dans la ruine : produire ne suffit plus, vendre devient impossible à un prix décent.​

Les vignerons dénoncent la fraude, l’inaction des pouvoirs publics et une concurrence déloyale qui les étrangle lentement. Entre 1900 et 1907, les pétitions, les discours et les alertes se multiplient, mais Paris reste sourd à la détresse du Midi viticole.​

1907 : le Midi se soulève

Le 11 mars 1907, 87 vignerons d’Argeliers, menés par Marcellin Albert, se rendent à pied à Narbonne pour remettre une pétition à une commission d’enquête parlementaire : c’est l’acte fondateur de la grande révolte. En quelques semaines, les comités viticoles se multiplient, et des manifestations gigantesques rassemblent des centaines de milliers de personnes dans les grandes villes du Languedoc, de Béziers à Montpellier.​

Face à cette mobilisation massive, le gouvernement de Clemenceau répond par l’envoi de troupes, ce qui conduit à des confrontations violentes, notamment à Narbonne, et à des épisodes spectaculaires comme la fraternisation du 17ᵉ régiment d’infanterie avec les manifestants.​

Argeliers : petit village, grande histoire

Le « comité de défense viticole » d’Argeliers

Argeliers, village du Minervois près de Narbonne, devient le symbole de la révolte en accueillant l’un des premiers, et le plus célèbre, Comité de défense viticole. Autour de Marcellin Albert, 87 vignerons s’organisent pour structurer la contestation, rassembler les revendications et mobiliser les villages voisins.​

Ce comité prend rapidement une dimension régionale : ses appels sont relayés dans tout le Midi, et Argeliers est parfois décrite comme une sorte de « capitale morale » de la révolte viticole de 1907.​

Marcellin Albert, la voix du Midi viticole

Marcellin Albert, cafetier et petit propriétaire, devient la figure emblématique de ce mouvement par son talent d’orateur et sa ténacité. On le voit arpenter les marchés, grimper sur des tables ou dans des arbres pour haranguer les foules et dénoncer la fraude et l’indifférence des élites.​

Son rôle est décisif pour transformer un désespoir diffus en mouvement collectif structuré, jusqu’à la création de la Confédération générale des vignerons en septembre 1907 pour défendre durablement la profession.​

La Marseillaise d’Argeliers : une Marseillaise détournée pour les vignerons

Une chanson née de la colère du vignoble

Dans ce contexte de tension extrême, la chanson devient un outil puissant de mobilisation, et plusieurs textes parodiques de la Marseillaise voient le jour. Parmi eux, la Marseillaise des vignerons, appelée aussi Marseillaise d’Argeliers ou Marseillaise des viticulteurs selon les versions, occupe une place centrale.​

Le principe est simple mais redoutablement efficace : reprendre l’air universellement connu de la Marseillaise, en en modifiant les paroles pour parler non plus de guerre contre un ennemi extérieur, mais de lutte sociale contre les fraudeurs, les spéculateurs et les « repus » qui profitent de la crise viticole.​

Une Marseillaise… au service du vin

Les paroles de ces versions détournées évoquent les « enfants de la viticulture », les « gueux de la vigne » et appellent les vignerons à l’union pour obtenir « du pain aux vignerons » et le droit de vivre de leur travail. Certaines strophes, en langue d’oc, vont jusqu’à appeler à « balayer » les profiteurs et à refuser l’injustice fiscale, montrant à quel point la colère est profonde.​

Cette réappropriation d’un symbole national par un mouvement paysan est un geste politique fort : la Nation, incarnée par son hymne, n’est plus seulement du côté du pouvoir, mais aussi du côté de ceux qui peinent à survivre.​

Chansons de lutte : une véritable bande-son de 1907

Des airs entonnés dans les rues et les cafés

La Marseillaise d’Argeliers n’est pas isolée : elle s’inscrit dans un répertoire plus large de chansons nées de la révolte de 1907, utilisées pour galvaniser les foules et cimenter le sentiment d’appartenance au mouvement. Ces chants se reprennent en manifestation, lors des réunions de comités, mais aussi dans les cafés et les places de village, là où se fabrique l’opinion collective.​

Parmi ces chants, certains deviennent célèbres, comme « Gloire au 17ᵉ », qui salue le régiment ayant refusé de tirer sur les vignerons et qui deviendra un chant de référence dans les milieux antimilitaristes et de gauche.​​

Mémoire vivante de la révolte viticole

Les historiens et les chercheurs ont montré que ces chansons, et notamment la Marseillaise des vignerons, ont longtemps survécu dans la mémoire populaire, transmises dans les familles, les fêtes locales et les témoignages. Plusieurs travaux universitaires et recueils de chansons consacrent aujourd’hui des chapitres entiers à cette production musicale, preuve de son importance dans la compréhension de 1907.​

Étudier ces textes et ces airs permet de saisir de l’intérieur la mentalité des vignerons révoltés : leurs peurs, leurs espoirs, leur vision des « gens du Nord » et des élites politiques.​

Héritage de 1907 : que reste-t-il aujourd’hui ?

Une révolte fondatrice pour la viticulture du Midi

La révolte des vignerons de 1907 aboutit à des mesures de lutte contre la fraude et à une meilleure régulation du marché, même si la crise ne disparaît pas d’un coup de baguette magique. La création de la Confédération générale des vignerons marque un tournant durable dans l’organisation du monde viticole, offrant une structure de défense collective des intérêts des producteurs.​

Dans la mémoire régionale, 1907 reste un moment fondateur, souvent invoqué lors de nouvelles crises viticoles pour rappeler que le Midi sait se faire entendre quand la survie des exploitations est menacée.​

Entre mémoire, tourisme et actualité brûlante

Aujourd’hui, la révolte de 1907 et la Marseillaise d’Argeliers constituent un matériau riche pour l’oenotourisme, les musées locaux, les circuits historiques et les initiatives culturelles autour du vin. À Argeliers et dans de nombreux villages du Languedoc, la trace de ces événements subsiste dans les commémorations, les archives municipales et la toponymie.​

Les problématiques de prix, de surproduction et de survie économique des petits domaines n’ont pas totalement disparu, ce qui rend l’épisode de 1907 étonnamment actuel pour comprendre les tensions récentes dans le monde viticole.​te ici ...